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Frederike van der Wielen-van Ommeren

HOMMAGE FUNEBRE

Chapelle de l’Ange de la Consolation

Cimetière de Saint-Georges

Genève, le 4 décembre 2023

 Chère famille, Chers amis,

Si je prends la parole, c’est en qualité de porte-parole du Comité de l’Association Hellas & Roma, en premier lieu son président, Jacques-Simon Eggly et, en second lieu, celle qui était si proche de Frederike, Fiorella Cottier-Angeli.

Mais je prends aussi l’initiative de m’exprimer au nom des collègues de Frederike, Lorenz Baumer, Patrizia Birchler-Emery, Matteo Campagnolo, Manuela Wullschleger, Laurent Chrzanovski, sans oublier Jean-Paul Descoeudres, aujourd’hui en retraite à Sydney. Et je range parmi ces collègues archéologues l’autre grande amie de Frederike, Helly Anagnostou, de Lausanne.

J’ai rencontré Frederike en 1968, alors qu’elle entreprenait l’étude de l’archéologie à l’Université de Genève, sous la direction du professeur José Dörig, dont j’étais alors l’assistant. Ybe, le mari de Frederike, déjà féru de numismatique, suivait les cours avec elle.

Une amitié s’est vite nouée, qui s’est tout naturellement prolongée lorsque Frederike s’est lancée à son tour dans la carrière universitaire.

Cette carrière a commencé lorsqu’elle m’a succédé auprès de José Dörig, en qualité d’assistante. Puis elle devint chargée de cours, suppléante, puis ordinaire, dans cette même Université de Genève.

Parallèlement, Frederike a enseigné à l’Université de Berne, à titre de chargée de cours, puis de maître- assistante.

Entre-temps, en 1985, elle soutint une thèse de doctorat à Genève sous le titre La céramique à décor polychrome et plastique de Canosa. Cette céramique très particulière, dont l’étude lui fut suggérée par José Dörig, représente la spécialité qui fera la réputation de Frederike dans le monde archéologique.

Frederike a entretenu des liens étroits avec le Musée d’art et d’histoire, où j’ai accompli ma carrière en tant que conservateur du Département d’archéologie. Du temps des directeurs Claude Lapaire, puis Cäsar Menz, Frederike a collaboré avec le laboratoire dudit musée, en particulier avec François Schweizer et Anne Rinuy.

De Frederike, je ne citerai pas ici les nombreux articles scientifiques, qui portaient tout naturellement sur la céramique de Canosa. Je mentionnerai seulement sa participation à la publication du matériel archéologique provenant de Francavilla Marittima (en Calabre), laquelle publication s’inscrivait dans le cadre d’une collaboration internationale, menée notamment par l’Université de Berne et celle de Groningen, au Pays-Bas. 

Frederike a exercé diverses fonctions officielles : Présidente de la section genevoise d’Antike Kunst (Association des Amis de l’Art Antique); Vice-Présidente de l’AGeAc(Association Genevoise d’Archéologie Classique); Trésorière de l’Association Suisse d’Archéologie.

                                                  ***

Cependant, la fonction la plus importante exercée par Frederike était pour moi celle de secrétaire de l’Association Hellas & Roma, dont le premier président fut le professeur Olivier Reverdin, collègue de Denis van Berchem, qu’elle admirait particulièrement. A ce poste de secrétaire, Frederike succédait à Monique Nordmann. Cela se passait en 2007.

Dans cette fonction, Frederike organisa à mon côté nombre d’expositions. Notamment celle consacrée à l’art néolithique de Roumanie, en 2008, qui était une entreprise considérable, pour ne pas dire démesurée, pour laquelle Frederike a donné toute sa mesure. L’exposition, qui n’a pas été présentée à Genève mais à Olten, fut à ce point réussie que le Conseil fédéral in corpore s’est déplacé pour la découvrir.

Les voyages annuels proposés aux membres de l’Association ont eux aussi bénéficié du sens de l’organisation propre à Frederike. Ces voyages exigeaient une lourde préparation, dont des déplacements sur place pour vérifier les itinéraires, les hôtels, les restaurants et aussi rencontrer les guides locaux. Sans compter les âpres discussions pour respecter le budget.                           

Secrétaire de l’Association signifiait pour Frederike des entretiens avec moi, au minimum deux fois par semaine. Au cours de ces séances informelles, j’avais tout loisir de mesurer les capacités de Frederike, son sens pratique, sa méticulosité et aussi sa patience à toute épreuve. Elisabeth Floret Saint-Cricq, membre du Comité, peut en témoigner, elle qui a secondé Frederike durant les dernières années.

Ensemble, Frederike et moi avons travaillé aussi à deux publications portant sur l’historique de l’Association et ses activités, l’une publiée en 2009, l’autre en 2019. Elle m’a assisté encore pour le livre dédié à la collection archéologique de notre vice-président, Benoit de Gorski, publiée sous le titre Joyaux de l’Antiquité, sorti de presse en 2011. Surtout, Frederike consentait à relire mes autres publications, lorsque celles-ci étaient encore à l’état d’épreuves et que j’avais besoin d’un œil neuf. Je me suis toujours bien trouvé de cette collaboration.

Chez Frederike, j’admirais particulièrement ce dont je suis dépourvu, le don des langues. C’est un fait que Frederike, qui avait fréquenté l’Ecole d’Interprètes de Genève, maîtrisait plusieurs langues : outre le néerlandais, sa langue maternelle, le français, sa langue d’adoption, c’était l’allemand, le Switzerdütsch, l’italien (y compris le dialecte sicilien), et l’anglais, bien entendu, à quoi il faut ajouter des notions de grec moderne. Sans omettre ses connaissances en langues anciennes, le grec et le latin.

Cette maîtrise des langues, apanage de Frederike, jointe à sa distinction naturelle et à son entregent, nous fut extrêmement utile, à nous les membres d’Hellas & Roma, quand, au cours de nos voyages, nous nous sommes trouvés en présence d’importantes personnalités étrangères, qui n’appartenaient pas seulement au monde culturel. Si bien que beaucoup d’entre elles conservent un excellent souvenir de notre passage.

                                                   ***

Parmi les innombrables messages de condoléance reçus par l’Association, plus émouvants les uns que les autres, on peut retenir celui de Lorenz Baumer. De Frederike, il relève la discrétion caractéristique. Et il reconnaît – je cite- que nous sommes nombreux à avoir profité à de nombreuses reprises de sa connaissance fine de la céramique antique. En outre, Lorenz Baumer ne manque pas de souligner la disponibilité de Frederike ainsi que sa générosité à partager son savoir, son engagement pour l’art antique et l’archéologie.

Véronique Dasen, professeur à l’Université de Fribourg, parle pour sa part d’une belle personne, irremplaçable. Et elle ajoute : encore une bibliothèque qui brûle, avec points de suspension.

De son côté, Denis Knoepfler, professeur honoraire de l’Université de Neuchâtel et (excusez du peu !) membre du Collège de France, qualifie Frederike en ces termes : intelligente, sensible et dévouée.

Quant à Giuliano Volpe, professeur ordinaire d’archéologie à l’Université de Bari et autorité suprême pour tout ce qui concerne le site de Canosa, il recourt à la langue française pour décrire Frederike avec cette formule : une personne très chère, gentille etgénéreuse. Et il fait cet aveu : Frederike était une personne importante pour moi, surtout au début de ma vie de chercheur. Je me souviens avec grand plaisir des fois où je lui ai rendu visite à Genève. Elle a également apporté une grande contribution à la croissance de la bibliothèque de l’Université de Foggia en transmettant sa riche bibliothèque personnelle. Enfin, à propos de la thèse de doctorat de Frederike, dont il fut rapporteur, Giuliano Volpe n’hésite pas à utiliser le qualificatif de fondamentale.

Parmi ces hommages, il me faut encore citer celui de Denise Elfen, membre de l’Association, car il les résume tous : les mots sont peu de chose, écrit-elle, face au vide que Frederike va laisser.

                                             ***

Un mot encore, si vous le voulez bien. Vous devez savoir que les vases de Canosa étaient exclusivement funéraires, c’est-à-dire sans autre usage que celui d’accompagner le défunt dans sa tombe, des tombes « à chambre » en l’occurrence.

Pourtant, paradoxalement, ces vases n’évoquent en rien la mort. Au contraire, de par leur décor surabondant, luxuriant, rehaussé de couleurs acidulées, printanières pourrait-on dire, ils semblent conçus pour célébrer la vie.

Plus encore, certains de ces vases portent par devant des attelages de chevaux ailés, exécutés en ronde bosse et paraissant jaillir de la panse. Ils sont censés emporter le défunt hors du tombeau. Pour aller où ? Vers l’Île des Bienheureux.

Les Anciens ne savaient pas trop dans quelle partie du monde situer cette île. Mais Frederike, pour laquelle les vases de Canosa n’avaient plus de secrets, le savait certainement.  Et je veux croire qu’elle s’y trouve déjà, pour y goûter le repos éternel…

                                                                                     Jacques Chamay

 

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